Fleur de Convoitise

Est-il possible que la patience ait ses vertus que la vengeance ne puisse distinguées ? Ou bien est-ce que la vertu ne reconnaît que stupidité et châtiment dans une attente vaine ? Mais alors, comment savoir que cette patience est inutile, sinon en attendant son achèvement ?

Cette réflexion m’est venue ce matin, en voyant dans mes songes diurnes cet homme à genou, devant cet arbre qu’il ne connaissait pas et dont il voulait posséder la filiation, car un jour Dieu lui tint ce discours :
« _Il y a un arbre au fond de ta contrée, un arbre que tu a déjà vu maintes fois, mais dont tu ignores la « progéniture », car il n’en donne qu’une fois dans ses six cent ans de vie. L’énergie que met cet arbre dans la création de ses « pousses » lui accorde incontournablement une mort paisible. La « descendance » de ce végétal te redonneras, rien qu’en les mangeant, les sensations tactiles et émotionnelles que tu as laissé dans les bras d’une inconnue sans passion. »
L’homme avait perdu ces perceptions un jour de dépravation, trompant la femme qui le chérissait d’un amour franc et sans limite, dans les bras d’une inconnue. Cette dame a joué de cette crédulité propre à tous ces hommes qui prétendent à l’amour qui se trouve en face d’eux, qu’il n’existe pas, qu’il n’est que le fruit de réflexions dû aux seules femmes lassent de la vie, la trouvant trop fade à leurs goûts, après l’avoir épuisé de leurs charmes trop élancés.

Cet homme attendit à genou sans manger ni boire pendant trois saisons durant, se réjouissant d’avoir découvert cet arbre dont il n’avait jamais vu les « descendances », ou les « pousses »… Pendant ces trois saisons, il ne cessa de penser et de s’imaginer cette « progéniture » dont il ne savait rien, ni sa couleur, qu’il embrasserait, ni son parfum enivrant qui s’en dégagerait certainement, ni ses formes qui seraient sans doute à la fois courbes et anguleuse, ni les couleurs qu’il voit déjà comme vives et chatoyantes, mêlant orange vif et bleu turquoise. Il voyait cela comme un fruit, entre la pomme pour la couleur, la poire et le citron pour les formes, imaginant le mélange de mille autres délices quant aux goûts, puis, enfin et surtout, à sa texture qui sera sans doute si douce et veloutée, sensations élémentaire à la survie de toute raison humaine, perdus depuis trop longtemps, qu’il retrouverait enfin. Même égaré depuis peu, ces sensations lui semblait oubliées.

Arrivant dans la quatrième saison, il se senti au comble de la joie lorsqu’il découvrit les bourgeons éclorent sous ce radieux soleil d’été. Les fleurs, qui allaient laisser place à ce fruit sauveur, se disait-il, étaient d’une beauté encore plus grande qu’il l’avait imaginé. Ce fruit était imaginé alors de plus en plus savoureux. Au milieu de l’été, un bal grandiose s’activa, les abeilles se ruaient à l’encontre des fleurs exquises, qui semblaient donner aux travailleuses acharnées et fatiguées un regain de force incommensurable.
Les abeilles laissèrent les fleurs au bout de quelques temps, et l’homme senti son jour proche, ce jour unique où il retrouvera ses sensations de touché et émotionnelles qui lui font tant défaut, et qui au final donne sens à la vie des amants fastidieux.

Il attendit ces fruits, puis il les attendit un peu plus, et encore un peu plus, tant et si bien que la chute des feuilles laissa la place à celle des fleurs. La dernière échouant au sol, elle fini de former et de dérouler ce magnifique tapis rouge, pour accueillir l’automne en ce lieu, et dans le cœur de l’homme. Il sentait rentrer l’automne dans son muscle vital qui se flétrissait en comprenant que la progéniture qu’il attendait était celle qu’il venait de laisser mourir, celle qui était déjà gâtée au moment même ou elle s’était décrocher de son support fondamental. Aucune fois Dieu n’avait prononcé le mot « fruit ».

L’arbre mourut dignement. Ce dernier figea à jamais l’homme volage, l’obligeant à se remémorer sans cesse ses actes, et à se poser ces questions existentielles qui ne le laisseront plus en paix, et ce pour toujours. Une éternité de remords et de douleurs comme seuls compagnons.

Comment savoir dès lors si la femme qu’il eut trahit, il ne l’eut jamais aimé, s’il l’aima, si dorénavant et pour toujours il l’aimerait ? Quatre saisons pour arriver dans une cinquième funeste et à tout jamais sans saveur pour l’homme qui fit souffrir mille fois plus la seule personne pour qui il comptait plus que tout, et pour qui ces mots n’en étaient pas.

La légende dit qu’il est resté seul, encore conscient de nos jours, devant cet arbre mort et dorénavant imputrescible. On raconte aussi qu’ il revoit la femme qu’il a trompée, et, lui tendant son bras et pleurant de tout son être, qu’elle lui demande juste de lui donner la main, geste suffisant pour qu’elle le pardonne. Toujours paralysé, il laisse échapper de ses yeux, des larmes d’intense tristesse et de douleur, l’enfonçant toujours un peu plus dans la folie.
On dit aussi que Dieu oblige cette femme à venir voir sans cesse l’homme volage.


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