La Damnation de l'Ange

 

Je fus un homme jusqu'à ma mort, laquelle eut lieu en une époque où le monde était bon, les rivières limpides, les forêts impénétrables et les hommes libres de toutes contraintes. Je mourus et fut aspirée en un autre monde, un monde où le temps n'existe qu'en nos mémoires. Je vis l'ange sauveur disputer mon âme au démon à la tête de bouc, j'entendis les anges chanter les louanges du monde et, me souvenant que Dieu a créé la terre à l'image du paradis, je me dirigeai vers la lumière céleste. Le temps continua sur terre mais je ne le ressentit plus, ne voyant que mon nouveau chez-moi. Je vis Dieu s'amuser de ses créations, s'amuser à les détruire, s'amuser à les faire souffrir, je le vis, dictateur par mis tous, imposer ses règles futiles, éveiller des volcans, déchaîner des océans pour se repaître des douleurs des humains. "Ils doivent se sauver eux-mêmes, c'est la clé du paradis", m'avait-Il répondu en constatant mon dégoût. J'espionnai le démon, dans ses lacs de souffre, et vit la perfection de l'enfer, l'asile pour les âmes perdues, un monde plus propre et axé sur la vérité et l'égalité. L'image imposée de l'enfer, avec ses prisonniers hurlants sous les fouets des diablotins est fausse, l'enfer n'est qu'un lieu de rassemblement moins hautain que le paradis, avec un maître moins tyrannique. Secouée par mon nouveau savoir, je fis un pèlerinage sur terre, espérant retrouver les lacs d'eau pure et les forêts vives de ma vie humaine, cherchant une réponse. Mais combien cruelle fut ma désillusion quand je constatai de mes yeux ahuris la pestilence sordide où stagnait maintenant la terre. Dieu avait dit aux hommes de se sauver eux-mêmes et mortelle avait été l'espérance impossible qui avait envahi ces pauvres innocents, tel le crépuscule triomphant de la brillance de l'horizon. L'espoir futile de retrouver l'Eden disparu à jamais, de sauver la terre de la fange où elle gît depuis l'imposition de l'humanité destructrice. Je vis de mes yeux horrifiés la bestialité humaine, le cancer rongeant la terre, la guerre inutile, la vanité, la bêtise et la méchanceté des hommes.
Et, horrifiée par ces visions apocalyptiques, je refusai d'en voir davantage et, de mon auréole devenue inutile, je m'arrachai les yeux pour échapper à ces visions horribles.
En soupirant, le visage couvert de mon sang anciennement béni, je me dirigeai vers le portail de feu demander asile au démon et entrer dans ce meilleur monde qu'est l'enfer.

 

Timmy