Agonie de la Franchise

 

Je me voyais l'autre soir, alors que je parlais seul à voix basse, face à ma solitude. Peur de ne plus pouvoir parler, je m'étais imposé de fixer mon regard sur celui de l'autre qui n'était finalement que moi. Je me souviens avoir eu si peur… son regard semblait se changer, se métamorphoser, il n'était pas un homme, il était quelque chose, mais pas un homme. Mais cette pensée incohérente, bien vite je l'ai éloignée de moi, elle me glaçait les sangs, elle m'obligeait à concevoir quelque chose d'impossible… depuis si longtemps l'on m'affirme que je suis moi, et que je suis un être humain… et pourtant, rien était possible… que la contradiction… J'étais face à ce cruel problème… Comment trouver le vrai ? Où le chercher ? Et face à ces questions, une fois de plus, je me suis retrouvé seul. Mon reflet étrange, presque étranger ne m'aida pas… il me toisait du haut de son regard prétentieux, me défiant de trouver une quelconque vérité, une quelconque réponse aux questions qui me tourmentaient. Je suis resté, cette nuit-là, entre réalité et sommeil…


Lorsque au levé, je parlai à ma mère, ce fut pour découvrir ce secret ignoble qu'elle se cachait à elle-même… Elle me parlait parce que j'étais là, et parce qu'il était chose courante de le faire… j'eus un mouvement de recul, je m'en souviens, et sans doute qu'elle le constata, car elle sembla prendre conscience de quelque chose. Elle me toisa elle aussi, à la manière de mon reflet le soir précédent, mais bien vite, elle repartit dans une discussion sans intérêt. Ainsi va la vie en famille… rien de moins que le désintérêt ne peut s'offrir aux pauvres âmes prisonnières de cette situation… Puis c'est alors que cela commença… la série de questions personnelles mettant mal à l'aise. Je me souviens les avoir écoutées, ces questions, et n'en avoir perçu aucune se pouvant vivre sous la houlette de la franchise. Toujours d'une façon détournée, feignant l'innocence quelquefois, feignant l'étonnement aussi, les questions tombaient. Je me souviens de cette haine que je lui ai vouée… je la connais depuis si longtemps, lui est-il impossible de me parler librement ?


En fait, je suis conscient que ce n'était pas tellement à elle que je vouais tant de haine… j'enrageais simplement de cette solitude implacable présente en chacun de nous… Je me suis simplement dis que si une personne ayant vécu à mes côtés depuis ma naissance n'était pas capable de me parler en toute franchise, alors qui serait à même de le faire ? Cette question, je l'ai retournée en mon esprit maintes et maintes fois depuis, et j'en suis arrivé à ce jugement, larguant pessimisme et incertitude… Il m'est impossible de savoir si oui ou non, un jour j'aurai une discussion libre… Je me suis dis que c'était impossible, car en chacun de nous, résonne cette petite voix qui ne veut décidément rien partager.

Timmy